L’éjaculation précoce, le mal silencieux qui tourmente les hommes

Souvent perçue comme un sujet tabou, l’éjaculation précoce demeure l’un des troubles sexuels masculins les plus fréquents et les plus mal vécus. Entre honte, anxiété de performance et frustrations dans le couple, ce phénomène toucherait, selon les experts, près d’un homme sur quatre.

Bien qu’elle n’ait pas de définition universelle, l’International Society for Sexual Medicine (ISSM) définit l’éjaculation précoce comme « une éjaculation survenant entre 30 et 120 secondes après la pénétration vaginale, voire avant ». Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 30 à 39 % des hommes, particulièrement les jeunes, seraient concernés par ce trouble.

L’éjaculation précoce est, dans la majorité des cas, d’origine psychologique selon divers spécialistes qui s’accordent sur la question. L’anxiété de performance, la peur de décevoir ou le stress accumulé sont souvent à l’origine du trouble. D’autres experts évoquent une hypersensibilité du pénis, qui provoquerait une stimulation trop rapide du réflexe éjaculatoire. Par ailleurs, une activité sexuelle trop rare peut accentuer la sensibilité et aggraver le problème. Si les causes médicales sont plus rares, certaines affections comme l’inflammation de la prostate, l’hyperactivité de la thyroïde ou encore des troubles neurologiques peuvent favoriser l’apparition de ce dysfonctionnement.

Selon le Dr Manericot Félix, urologue et sexologue, il n’existe pas un seul type d’éjaculateur précoce, mais six profils distincts. « Il y a les éjaculateurs à forte libido, centrés sur leur propre plaisir, les fusionnels, très sensibles au contact physique, et les anti-fusionnels, à l’opposé. Viennent ensuite les hétéro-centrés, attentifs à leur partenaire, les secondaires, autrefois équilibrés mais aujourd’hui affectés par le stress, et enfin les prématurés, chez qui le trouble est d’origine physiologique », détaille-t-il.

Il n’existe pas un seul type d’éjaculateur précoce, mais six profils distincts.

Pour le médecin, l’éjaculation précoce n’est pas une fatalité. « C’est un trouble physiologique qu’on peut apprendre à contrôler. Il faut avant tout travailler sur la gestion de l’excitation sexuelle pour retarder l’éjaculation et satisfaire sa partenaire », explique-t-il.

Un trouble aux conséquences psychologiques profondes

Au-delà de la gêne physique, les impacts psychologiques sont souvent dévastateurs. « Les hommes atteints développent parfois une angoisse de performance, une peur du rapport sexuel, voire une perte de confiance en soi », précise le Dr Félix.

Des traitements médicamenteux existent, comme la dapoxetine, commercialisée sous le nom de Priligy depuis 2013, qui agit sur le réflexe éjaculatoire. Toutefois, plusieurs sexologues recommandent également des techniques naturelles telles que le start and stop ou la technique belle-mère, consistant à détourner l’attention de pensées excitantes pendant l’acte.

Des traitements médicamenteux existent, comme la dapoxetine, commercialisée sous le nom de Priligy depuis 2013, qui agit sur le réflexe éjaculatoire.

Les hommes entre désarroi et quête de solutions

Pour beaucoup d’hommes, ce trouble est vécu comme une humiliation.

« Oui, cela m’arrive d’éjaculer avant même la pénétration. Parfois, c’est pendant l’acte : je suis trop excité et j’éjacule rapidement », confie Mathias Merzier, étudiant en calligraphie. « C’est une véritable déception. On essaie de rattraper son coup, mais mentalement, on est vulnérable », ajoute-t-il, estimant que la technique belle-mère pourrait aider à mieux gérer l’excitation.

Ricot Lebrun, un autre jeune interrogé, témoigne dans le même sens : « Ça m’est arrivé plusieurs fois. Parfois, j’éjacule même en mettant le préservatif. Quand j’arrive à tenir deux minutes, c’est déjà un exploit ». Il admet avoir eu recours à des stimulants sexuels, mais plaide désormais pour une hygiène de vie équilibrée : « Il faut manger des aliments riches en fer et en zinc, et surtout éviter le stress avant les rapports ».

« Ça m’est arrivé plusieurs fois. Parfois, j’éjacule même en mettant le préservatif. Quand j’arrive à tenir deux minutes, c’est déjà un exploit. »

D’autres, Herbyson Jean Charles reconnaissent utiliser des remèdes naturels, des tisanes ou des boissons énergisantes pour « tenir le coup ». Jean Charles avoue même recourir à des prétextes pour masquer son incapacité : « Parfois, je dis que je suis fatigué ou stressé. C’est une honte pour beaucoup d’hommes ».

Le regard des femmes : entre incompréhension et tolérance

Si les hommes se sentent souvent dévalorisés, les femmes, elles, oscillent entre frustration et empathie.

Dachemine Antoine, étudiante en animation radiophonique, se montre catégorique : « Ça me dérangerait complètement en tant que femme si je faisait l’amour avec un homme et qu’il éjacule rapidement, me laissant frustrée ». Pour elle, l’éjaculation précoce reste un « échec » qu’il faut combattre.

Neika Echeda Exumé, se montrent plus conciliantes : « Je n’ai aucun problème avec les éjaculateurs précoces, mais ils doivent reconnaître leur faiblesse et trouver un moyen pour que je jouisse aussi ».

Une jeune femme de 21 ans, requérant l’anonymat, va plus loin : « Je ne veux pas savoir si l’homme dure ou non, l’essentiel c’est qu’il me fasse plaisir comme je le souhaite. C’est égoïste de se satisfaire et de laisser sa partenaire dans le besoin ».

Quant à Bianca Espérance, elle admet sans détour : « Je ne saurais en aucun cas accepter 120 secondes d’un homme pendant un rapport sexuel ».

« Je ne saurais en aucun cas accepter 120 secondes d’un homme pendant un rapport sexuel. »

Un sujet encore tabou, mais à aborder sans gêne

Souvent raillée ou ignorée, l’éjaculation précoce reste un mal silencieux, qui fragilise les relations amoureuses et l’estime de soi masculine. Pourtant, les spécialistes s’accordent : en parler ouvertement est la première étape vers la guérison.

La prise en charge peut combiner psychothérapie, exercices de respiration, changements d’habitudes ou traitements médicaux. Mais au-delà des solutions, c’est la parole autour de la sexualité masculine qu’il faut libérer.

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