Dans les ruelles déchirées par les balles et la peur, des enfants haïtiens troquent leur cartable contre des armes automatiques. Sous l’emprise des gangs, le pays devient un terrain fertile pour un phénomène alarmant : le recrutement d’enfants soldats.
Un fléau mondial qui prend racine en Haïti
À travers le monde, des milliers d’enfants sont enrôlés de force dans des groupes armés. Selon le Fonds des Nations Unies pour l’Enfance (UNICEF), ces jeunes servent souvent de combattants, de porteurs, de messagers ou de cuisiniers. Le phénomène, qualifié de violation grave des droits des enfants, n’est pas nouveau. Il a pris de l’ampleur dans les années 1990 avec la prolifération des armes légères dans les zones de conflit.
Entre 2005 et 2022, plus de 105 000 cas d’enfants recrutés par des groupes armés ont été confirmés à travers le monde, selon les données de l’ONU. Mais le chiffre réel serait bien plus élevé. Ces enfants, souvent arrachés à leur foyer, sont exposés à des violences extrêmes, à des abus sexuels, et privés de leur droit fondamental à l’éducation.
Entre 2005 et 2022, plus de 105 000 cas d’enfants recrutés par des groupes armés ont été confirmés à travers le monde, selon les données de l’ONU.
Pour lutter contre cette pratique, l’Organisation des Nations Unies a adopté, en mai 2000, un Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, interdisant l’implication des mineurs dans les conflits armés. Ce texte est entré en vigueur le 12 février 2002, date désormais consacrée Journée internationale des enfants soldats.
Des enfants embrigadés dans les rangs des gangs
Haïti, plongée dans une spirale de violence depuis plusieurs décennies, n’échappe pas à ce fléau. Dans un contexte de pauvreté, d’effondrement institutionnel et d’insécurité généralisée, les gangs exploitent la vulnérabilité des plus jeunes pour renforcer leurs rangs.
En mars 2022, la Direction centrale de la police judiciaire (DCPJ) a arrêté à Delmas un adolescent de 16 ans, membre du gang « 5 Segond » dirigé par le tristement célèbre chef Izo. Selon son témoignage, il avait quitté l’école et sa famille pour apprendre à manier des fusils d’assaut M4 et Kalachnikov.
Quelques mois plus tard, une vidéo virale a bouleversé les réseaux sociaux : un enfant d’à peine dix ans, cagoulé, exhibant une arme de gros calibre à Martissant, quartier sous contrôle des gangs. « Je suis en guerre », lançait-il face caméra.
Des gangs qui exploitent la vulnérabilité des jeunes
Un rapport du Groupe d’experts des Nations Unies sur la criminalité en Haïti, présenté en 2023 au Conseil de sécurité, alerte sur la gravité de la situation. Tous les gangs, selon le document, recrutent des mineurs qu’ils exploitent pour des tâches variées : espionnage, surveillance, participation à des attaques, ou travail forcé.
Tous les gangs recrutent des mineurs qu’ils exploitent pour des tâches variées : espionnage, surveillance, participation à des attaques, ou travail forcé.
Les groupes les plus actifs dans ce type de recrutement seraient « 5 Segond », « Brooklyn », « Kraze Baryè », « Gran Ravin » et « Terre Noire ». Les filles, quant à elles, sont souvent utilisées pour des activités d’espionnage ou soumises à des violences sexuelles.
L’expansion territoriale des gangs, qui contrôlent aujourd’hui de vastes zones du pays, rend la situation encore plus inquiétante. Dans de nombreux quartiers, les écoles se ferment, les familles fuient et les enfants restent sans repères, livrés à eux-mêmes. Sans action rapide, Haïti risque de voir se développer une génération d’enfants marquée par la violence, privée d’éducation et de perspectives d’avenir.
Alors que les organisations internationales multiplient les appels à la mobilisation, la société haïtienne doit, elle aussi, s’interroger sur sa responsabilité collective. Préserver l’enfance, c’est préserver l’avenir du pays.












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